dimanche 12 juillet 2009

Récit d'un hussard (16)

LA VIE DE FAMILLE



Il était dit que le bonheur prendrait son temps pour s'installer durablement. À la naissance de notre fils, mon beau-père; le général Brice de Montigny se trouva d'un coup très fatigué. Il dut garder le lit plusieurs jours durant et nous eûmes peur pour sa vie. Mais la nouvelle année sembla lui redonner force et envie, et on le vit reprendre ses promenades dans le parc de Château-Thierry qu'il chérissait tant. Mais fin avril 1811, il ressentit une vive douleur dans la poitrine lors d'une de ses promenades. Nous dûmes l'aliter à nouveau, son état empirant chaque jour un peu plus. Il mourut le 6 mai 1811 à l'âge de 80 ans après une vie tout entière au service de la Nation. Un grand homme nous quittait et la douleur fut à la hauteur de sa personnalité.

C'est au moment où nous avions décidé de partager notre temps entre Paris et Château-Thierry que les événements internationaux se précipitèrent. Napoléon, notre empereur, décida de porter la guerre sur les terres de l'empereur de Russie.

La fierté, voire l'orgueil des deux souverains va entraîner les deux nations dans un désastre absolu. Des milliers de morts, un pays, la Russie, ravagé et un empire, le nôtre en déclin.

Durant les premiers mois, nos soldats progressèrent à l'intérieur du pays ne trouvant devant eux que terres abandonnées et villages fantômes. L'armée ennemie s'enfuyait au devant eux, du moins le croyait-il.

Une seule bataille, le 7 septembre au bord de la Moskova, vit notre armée s'en sortir grâce aux renforts bavarois et saxons qui arrivant en fin de journée retournèrent une situation mal engagée.

L'armée française entra dans Moscou totalement vidée de ses habitants.

À peine prenant possession de la ville que nos troupes durent faire face à une multitude d'incendies allumés par les rares habitants qui étaient restés, en fait des criminels et des repris de justice qui obéissaient aux ordres du comte Rostopchine.

Notre empereur qui espérait recevoir des demandes de négociations de la part du tsar de Russie dut, ne voyant rien venir, faire demi-tour, alors que l'hiver commençait.

Alors que les troupes fatiguées rebroussaient chemin à travers ces mêmes villages dévastés où il n'y avait rien à prendre, à Paris, une conspiration faillit réussir. Les intrigants avaient réussi à faire croire à la mort de notre empereur et à faire prisonnier le préfet de Paris et le ministre de la guerre; Savary.

Heureusement, le coup d'État échoua et les conspirateurs furent fusillés, mais le régime parut bien faible.

En novembre, l'armée de Napoléon se présenta devant la Bérézina à demi gelée. Elle dut construire des ponts pour atteindre l'autre rive. Trois jours seront nécessaires pour réussir l'opération. De nombreux soldats périront dans cette traversée et l'empereur se retrouva entouré que de 25 000 soldats.

Poursuivis par l'armée russe à deux jours de marche, les soldats de la nation espéraient revenir vers l'ouest et sortir de ce maudit pays où ils vécurent leur pire campagne militaire.

Ce sera chose faite début décembre par un froid terrible qui tuera encore de milliers grognards trop faibles pour progresser. Le tsar de Russie avait réussi son entreprise; affaiblir son rival et ennemi.

Celui-ci avait confié son armée au prince Murat et était reparti vers Paris où il avait appris la conspiration du général Mallet.

Les deux années qui suivirent virent les possessions territoriales que nous avions conquises durant nos diverses campagnes se perdre. La coalition ennemie devenait de plus en plus forte et notre empereur voyait son empire se réduire mois après mois.

1815, la France est envahie et malgré le courage de nos troupes et le génie de nos maréchaux qui obtinrent de nombreuses victoires, l'issue fut inéluctable. Les prises de Bordeaux et de Lyon amenèrent Paris à capituler.

La nation ne croyait plus en son empereur et préférait négocier avec l'ennemi qui avait annoncé qu'il se battait, non pas contre la France, mais contre son maître.

Talleyrand devint chef d'un gouvernement provisoire. Les royalistes reprirent les rênes de la nation. Le sénat, le 3 avril, déchut Napoléon de ses fonctions. Celui-ci sera obligé de capituler sans condition et se verra exilé sur l'île d'Elbe. Son épouse l'impératrice Marie-Louise et son fils, le roi de Rome seront confiés à l'empereur d'Autriche.

Une page de notre histoire venait de se tourner. Nous ignorions encore que l'empereur n'était pas encore politiquement mort.

Le frère de Louis XVI en exil depuis la révolution, rentra en France et monta sur le trône restauré, sous le titre de Louis XVIII.

Il voulut récompenser tous ceux qui se battirent pour l'honneur de la Nation durant toutes ces années.

Ainsi, je fus fait maréchal de camp honoraire et je reçus la distinction de chevalier de l'ordre de Saint-Louis.

En février 1815, Napoléon quitta l'île d'Elbe et voulut reconquérir le pays. Il trouva l'appui de divers régiments, échaudés par les décisions du roi Louis XVIII qui avait redistribué les hauts grades de l'armée aux nobles de l'ancien régime.

En un mois, l'empereur arriva aux Tuileries, fit établir une nouvelle constitution et s'engagea à reconquérir le pays.

Pour ma part, croyant vivre ma retraite loin de tous ces agissements politico-militaires, je dus déchanter. On me remit en activité en qualité de colonel de l'état-major du premier inspecteur général de la gendarmerie. Nous devions faire respecter l'ordre sur le territoire, mais nous ne savions pas d'un jour sur l'autre d'où venaient les ordres légitimes.

Au mois de mai, je fus nommé colonel de la 21 éme région de gendarmerie à Metz. Le temps à l'empereur de subir la défaite de Waterloo et d'être fait prisonnier par les Anglais. Suivra son exil à Sainte-Héléne, alors qu'il croyait qu'il serait exilé en Amérique.

Je retrouvai donc ma condition de retraité au moment où des bandes ultra-royalistes firent la chasse aux bonapartistes et aux fonctionnaires de l'empire. Il y eut trop de morts et trop de haine. De plus, la nation dut payer une indemnité de guerre équivalente au budget annuel de l'état. La pauvreté n'était pas prête à disparaître. Le roi Louis XVIII retrouva son trône et j'installai ma petite famille à Versailles, au 107 boulevard de la reine, bien décidé à profiter de chacun de mes enfants autant que possible.


                                         FIN

1 commentaire:

  1. Merci pour ce très beau texte sur la douleur d'être otage et celle d'avoir un membre de sa famille, séquestré, quelque part dans le monde.

    Pouvez-vous péciser qui est l'auteur de ces lignes ?

    Nous permettez-vous de le reproduire sur le site d'OTAGES DU MONDE ?

    D'avance merci,

    L'équipe d'Otages du Monde
    www.otages-du-monde.com

    mail : otagesdumonde@hotmail.com

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