lundi 29 juin 2009

Récit d'un hussard (13)

LA CAMPAGNE DE POLOGNE


Il me serait difficile d'oublier les derniers jours de cette année 1806 tant le froid qui recouvrait les plaines de Prusse et de Pologne était intense et surtout du fait de la bataille de Golymin qui fut pour mon régiment et pour moi-même un moment de gloire.

Notre situation était difficile. Nous chevauchions depuis plus d'une année, sans répit. Nous avions, jusque-là vaincus, conquis Berlin, mais les troupes russes se rassemblaient et se préparaient à nous attaquer. "La grande armée" de l'empereur était fatiguée, exténuée. Nous ne mangions pas à notre faim et les populations que nous rencontrions étaient plutôt hostiles. Cela "grognait" dans les rangs et chacun se demandait quand il reverrait la France, s'il la revoyait. Nous devions déplorer beaucoup de suicides tant les hommes affaiblis, affamés ne voyaient pas d'autre issue à leur calvaire.

L'empereur demanda à Paris, l'appel sous les drapeaux de la conscription de 1807 avec quelques semaines d'avance. Ces hommes viendraient renforcer notre armée au seuil de futures batailles. Il organisa aussi le dépôt de vêtements et de vivres ainsi que la réquisition de plus de 10 000 chevaux.

Malgré cela le moral des troupes était très bas et j'avoue que moi-même, je désespérais de retrouver mon épouse et découvrir ma fille un jour. Le froid et la boue qui étaient notre quotidien alimentaient nos pensées les plus sombres. Même les généraux et maréchaux semblaient fatigués de cette campagne qui n'en finissait pas.

Après seulement trois semaines de repos, ordre nous fut donné de seller les chevaux et de faire route avec les armées de Davout, Lannes et Augereau, vers Varsovie.

Le général Benningsen, commandant en chef des troupes ennemies, était rentré dans la capitale polonaise et notre empereur voulait à tout prix empêcher que celui-ci puisse faire jonction avec le reste des troupes prussiennes, avide de revanches après leur débâcle d'Iéna. Les autres corps de la grande armée devaient passaient la Vistule plus en aval et déborder les forces russes par le nord.

Le prince Murat, du fait de son rang, avait pris le commandement de cette armée avec le titre de lieutenant - général. Lorsque nous arrivâmes aux portes de Varsovie, nous constatâmes que le général Benningsen avait quitté les lieux et notre entrée dans la ville fut acclamé par les habitants.

Notre empereur vînt nous rejoindre le 18 décembre alors que la pluie qui ne cessait de tomber rendait les routes impraticables, ce qui rajouté à la fatigue de la marche, rendait l'avancée des troupes encore plus pénible. Le matériel s'embourbait ainsi que les chevaux et la grogne augmentait dans les rangs de notre armée. Notre empereur, lui-même, dut abandonner sa berline et finir son voyage sur un simple bidet de poste.

Malgré cela chaque armée progressait et après avoir reconstruit les ponts sur la Vistule, nous nous préparions à encercler les troupes russes. Celles-ci s'étaient concentrées dans les régions de Golymin et de Pulstusk.

Le 24 décembre, Napoléon décida de les attaquer avant qu'elles n'aient le temps de consolider leurs positions.

L'armée du maréchal Lannes s'affrontait durement avec le gros des troupes russes à Pulstuck tandis que nos forces en compagnie de celles des maréchaux Ney, Augereau et Soult attaquèrent Golymin.

Il faut imaginer ce que fut cette bataille. La pluie ne cessait de tomber rendant toute progression pénible et lente. Nos chevaux s'extirpaient difficilement de la boue, l'artillerie s'embourbait jusqu'aux essieux et l'ennemi nous tirait sur place. Ainsi, alors que nous avancions malgré tout, nous vîmes le corps de cavalerie pliait sous les charges de la cavalerie russe et surtout la brigade du général Lassalle, héroïque tout le long des campagnes se retirait de la bataille sans avoir donné. Cet abandon mettait en péril tout notre dispositif. Mon régiment étant le plus proche, je n'hésitai pas une seconde. Extirpant mon cheval de la boue, j'ordonnai à mes hommes de me suivre et de contrer l'attaque ennemie.

Ainsi, nous dûmes nous battre dans ces conditions déplorables et résister aux charges d'une cavalerie plus nombreuse, mais moins aguerrie que nous. Nous nous servions de leur fougue pour les entraîner vers des terrains où notre expérience de la guerre pouvait s'exprimer. Pendant des heures, nous luttâmes contre ces jeunes cavaliers qui tombaient nombreux, bravement. Mes hommes, aussi, subissaient ses attaques et beaucoup d'entre eux mourraient. Je désespérai de venir à bout de cette furia, quand enfin dans un réflexe de la dernière chance, je repositionnai mes hommes différemment. Ceci perturba la cavalerie ennemie et nous pûmes, à notre tour, passer à l'offensive. Les jeunes cavaliers russes nous voyant foncer sur eux, sabre en avant, hurlant, prirent peur et subirent notre charge avec de telles pertes qu' ils rompirent le combat nous laissant leur étendard. Nous avions vaincu et nos troupes à pied s'emparèrent de Golymin. Nous étions épuisés, mais fiers d'avoir déjoué les plans du général russe.

Il y eut durant cette bataille un fait invraisemblable. Le général Lassalle qui était un guerrier intrépide et qui considérait un hussard de trente ans encore vivant comme un jean-foutre fut déshonoré de voir ses hommes s'enfuir. Il les pourchassa, les arrêta, leur fit faire demi-tour et les positionna à l'arrêt face à l'artillerie russe, le sabre au fourreau. Il leur faisait subir "l'expiation". Ses hommes tombaient autour de lui sans combattre. Lui-même vit deux chevaux mourir sous lui. Cette exécution ne cessa que lorsque nous repoussâmes l'armée ennemie et pûmes nous emparer de leur artillerie " empoissée dans la boue".

L'étendard dont nous nous étions emparés fut le symbole de cette journée.

Je le déposai aux pieds de notre empereur. Celui-ci me releva, déclara devant l'armée réunie que c'était grâce à des hommes courageux comme ceux de notre régiment que les victoires se font au-delà de la stratégie de leurs chefs. Il me fit, sur le champ, colonel titulaire du 1er hussard et me remit la croix d'officier de la Légion d'honneur, ajoutant à l'oreille:" je vous récompenserai autrement un peu plus tard." Après cette mystérieuse phrase, il fit donner les honneurs à notre régiment. Le soir, avec mes hommes et malgré l'épuisement qui était le nôtre, nous fêtâmes tard dans la nuit cette mémorable journée.

Les jours qui suivirent ne furent que poursuite. Le corps d'armée du maréchal Lannes fut positionné à l'est de Varsovie empêchant toute éventuelle tentative de reprise de la capitale polonaise. L'armée du maréchal Bernadotte se trouvait plus au nord et celui du maréchal Lefèbvre fit le siège de Dantzig où s'étaient retranchés 18 000 Prussiens. Le maréchal Ney devait empêcher le maréchal Lestock de rejoindre les troupes russes et devait faire la liaison avec les troupes cantonnées plus au sud.

Bien entendu, le maréchal toujours aussi intrépide et ne connaissant pas la patience s'engagea plus en avant à la poursuite des troupes prussiennes et malgré les injonctions de notre empereur, il continua sa progression en direction de Bartenstein.

Notre empereur fit en sorte que nos conditions changèrent. Ainsi, nous reçûmes une chemise, un sac de couchage, des bottes ou des souliers selon l'arme dans laquelle nous servions. La nourriture, elle aussi, fut améliorée.

De son côté, le général Benningsen se préparait à lancer une contre-attaque contre notre armée en la contournant par le nord.

Mais, le général fut bien surpris de trouver sur sa route les unités du maréchal Ney. Ce dernier, comprenant qu'il avait face à lui, l'avant-garde le l'armée russe se replia en prévenant le maréchal Bernadotte et l'Empereur. L'effet de surprise sur lequel comptaient les Russes était éventé.

A son tour, notre empereur organisa sa contre-offensive, mais ses ordres furent interceptés par l'ennemi ce qui modifia encore le mouvement des troupes. Notre empereur qui avait prévu d'encercler l'ennemi, apprenant leur changement de stratégie, décida de couper l'armée russe en deux et donna les ordres en conséquence.

Nous qui espérions passer l'hiver dans notre cantonnement, nous étions de nouveau sur les routes après seulement trois semaines de repos. Cà "grognait" dans les rangs ce qui fit dire à Napoléon:" ils grogneront, mais ils marcheront!" Et nous marchions.

Une première rencontre avec l'ennemi eut lieu au village de Jonkovo où une partie de l'armée russe s'était rangée en ligne de bataille. Nous combattîmes de front et cela dura jusqu'à la tombée de la nuit. À l'aube, nous nous aperçûmes que, profitant de l'obscurité de la nuit, une grande partie des forces ennemies s'était retirée, ne laissant qu'une arrière-garde. Le village fut pris et nous dûmes, sans repos, continuer notre poursuite. C'est ainsi qu'après plus de 85 kilomètres de marche vers le nord, nous rattrapâmes une partie de l'armée ennemie dans le ravin de Hoff.

Le terrain était très accidenté et nous trouvâmes là un gros détachement d'infanterie protégé par quelques escadrons de la cavalerie russe. Le maréchal Murat nous fit charger l'ennemi, bien décidé à en finir rapidement. Appuyés par les dragons du général Klein et les cuirassiers du général d'Hautpoul, nous attaquâmes de deux côtés à la fois. La cavalerie russe, installée sur plusieurs lignes, nous barrait la route. Notre charge fut contenue une première fois par ces cavaliers courageux, mais notre application à respecter les ordres de notre prince-maréchal paya et les troupes rompirent le combat. En les poursuivant et les acculant dans un bois près du village, certains d'entre eux firent soudain volte-face. Par cette manoeuvre, je me retrouvai un instant coupé de mes hommes et dus faire face à trois cavaliers russes. Ces derniers m'attaquèrent de trois côtés, j'essayai de me dégager, mais un violent coup de sabre sur l'épaule me fit vaciller. Je ne dus la vie sauve qu'à l'arrivée de mon ami et protecteur. Honoré. En compagnie d'une partie de mes hommes, il se porta à mon secours et désarçonna mes agresseurs. Je sentais le sang couler dans mon dos. La blessure était douloureuse, mais me paraissait peu grave.

Le soir au bivouac, je fus soigné et le chirurgien voulut me faire évacuer, craignant que la blessure ne s'ouvre à nouveau. Je lui assurai que çà irait et qu'il n'était pas question que j'abandonne mes hommes maintenant.

C'est dans cet état que j'arrivai en compagnie de mon régiment à la suite de l'armée de la nation à Eylau où s'était réfugiée l'armée du général Benningsen.

Quelle journée terrible! Le froid était intense et nous allions vivre la bataille la plus terrible de toute notre épopée.

Le maréchal Davout avait bien commencé la bataille en prenant par surprise plusieurs villages aux troupes russes. Mais ceux-ci au milieu des flocons qui commençaient à tomber résistèrent et ainsi, pendant plusieurs heures les deux armées s'affrontèrent et se reprirent mutuellement les villages. Nous étions en réserve de la bataille. Le prince Murat, à nos côtés, observait le déroulement des opérations et voyant le maréchal Davout en difficulté, s'apprêta à nous demander d'aller à son secours, mais l'empereur préféra diriger l'armée du maréchal Augereau vers celle de Davout. Le temps qui fut si souvent notre allié devint ce jour-là notre pire ennemi. Au moment où les troupes du maréchal Augereau firent marche, une tempête de neige se leva aveuglant les pauvres soldats. Ceux-ci ne sachant plus se diriger allèrent trop à gauche et se retrouvèrent face à l'artillerie russe. Les canons tonnèrent à bout portant, décimant l'armée du maréchal qui lui même fut blessé. Trois de ses généraux de division moururent sur le champ de bataille. Profitant de la situation la cavalerie russe se rua sur les pauvres fantassins et les sabra sans pitié. Le 14éme régiment fut pratiquement anéanti. L'empereur voyait cela et n'en croyait pas ses yeux. La charge des cavaliers russes fit une brèche dans nos rangs et ils vinrent menacer le cimetière où l'empereur avait installé son état-major. Celui-ci se tournant vers le prince Murat lui dit:" vas-tu nous laisser dévorer par ces gens-là ?" Alors, le prince se tourna vers nous et nous cria:" allons venger nos camarades et que notre sabre ne se baisse que lorsque la cavalerie russe sera entièrement anéantie".

Nous levâmes tous notre sabre et en criant nous nous lançâmes à l'assaut de l'ennemi. Cette charge fut la charge la plus grande de mémoire de soldats. Nous étions plus de

10 000 cavaliers à fondre sur les Russes. À l'aller comme au retour, nous sabrâmes sans relâche. Tous ces corps sans vie qui nous entouraient nous donnaient encore plus de volonté. Les Russes furent bientôt submergés par notre colère. Ma blessure s'était réouverte, mais je n'y faisais pas cas tant ce combat anesthésiait ma douleur.

Notre attaque avait réussi. Le cimetière était préservé et la cavalerie ennemie eut d'énormes pertes.

Durant tout l'après-midi, le combat resta incertain. Il fallut l'arrivée, en fin de journée, des troupes du maréchal Ney pour qu'enfin le combat tourne à notre faveur et voit les troupes du général Benningsen se retirer.

Le lendemain, après un bivouac bien mérité, nous pûmes constater l'ampleur des pertes. Un véritable carnage.

L'empereur avait renoncé à faire poursuivre le général russe tant nos soldats étaient épuisés.

Quand, vers midi, il revint sur le champ de bataille, il parut choqué. Ses valeureux soldats le voyant passer n'avaient plus la force de se lever devant lui. L'empereur parcourait le champ de bataille en silence comme hébété. Il finit par murmurer, alors qu'il passait devant nous:" quel massacre! Et sans résultat! Spectacle bien fait pour inspirer aux princes l'amour de la paix et l'horreur de la guerre!"

Le champ de bataille encore fumant n'était qu'un entassement de corps; soldats russes et français mêlés. Même pour les plus aguerris d'entre nous, le spectacle était difficilement soutenable. Nous marchions à la recherche de camarades tombés auprès de nous. J'avais perdu beaucoup de mes hommes et je recherchais leurs corps pour leur offrir une sépulture digne de leur bravoure. Il nous faudra des jours entiers pour ensevelir tous ces pauvres gars raidis par le froid. Notre empereur resta auprès de nous durant les huit jours qui furent nécessaires pour mener à bien cette triste corvée. Il activa les secours aux blessés, particulièrement touché par la mort de son aide de camp: Claude Corbineau.

Et dire qu'après cela, il allait falloir se remettre debout et affronter encore cette armée russe qui n'était pas anéantie. Plus de 30 000 morts de leur côté, 20 000 chez nous. Le compte était impudique et les images qui nous restaient de cette bataille, le rendait intolérable.

"Ma mie! Ma mie! Quand te reverrais-je ?" J'étais fatigué. Cette bataille m'avait profondément marqué. Honoré, lui aussi parlait peu. Il avait été blessé à la tête et ressentait encore des douleurs au lever.

Pourtant, dès le début mars, les troupes russes passèrent à l'offensive et attaquèrent le maréchal Ney. Les hostilités reprenaient.

Nous devions chevaucher vers Heilsberg pour occuper le plus longtemps possible les troupes russes qui s'y trouvaient, permettant à notre empereur de se positionner avec le gros de son armée sur Landsberg et prendre à revers l'armée du général Benningsen.

Nous fûmes reçus par une armée russe bien plus nombreuse que nous. Nous combattions à un contre deux, vaillamment, au risque d'être encerclés. Heureusement, prévenu de la situation, l'état-major nous envoya des renforts ce qui nous permit de nous dégager.

Pendant quelques jours encore les deux armées se sondèrent avant que leurs généraux en chef décidassent de se retirer et d'installer leurs bivouacs respectifs autour d'Eylau. Nous étions début avril et l'attente commençait. Combien de temps durera-t-elle?

Deux mois. Deux mois à panser nos plaies physiques et morales. Nous reçûmes de meilleures rations, puis arrivèrent des contingents de jeunes conscrits de France, de Hollande, de Bavière, de Saxe et d'Italie et de nombreux chevaux fringants et racés.

Le 10 juin, une première bataille eut lieu à Heilsberg. Nos troupes qui étaient engagées repoussèrent les troupes russes qui allèrent se réfugier à Friedland.

Le 14 juin, nous y étions aussi. Et vers cinq heures de l'après-midi, notre empereur décida d'attaquer. À ses officiers qui s'étonnaient de l'heure tardive, il leur dit qu'à cette époque de l'année le soleil se couchait tard. Puis, se tournant vers le maréchal Berthier, il lui demanda:"Quel jour sommes-nous? - le 14 juin, sire, lui répondit-il - 14 juin? Jour de Marengo! Jour de gloire! S'exclama notre empereur. Cette exclamation traversa les rangs de la grande armée, chacun la répétant comme un cri de ralliement.

La bataille dura jusqu'à dix heures du soir, mais, en ce jour anniversaire, rien ne pouvait nous arriver. L'armée russe fut vaincue, perdant encore plus de 20 000 hommes. Nous poursuivîmes les restes des troupes jusqu'à Koenisberg où l'arrière-garde ennemie sous le commandement du général Lestocq fut faite prisonnière.

Nous continuâmes jusqu'à la ville de Tilsitt où notre prince- maréchal reçut le prince Lobanov-Rostovsky qui venait solliciter un armistice. Le maréchal Murat le fit conduire auprès de notre empereur qui le retint à dîner.

Ils décidèrent que le temps des batailles était terminé et que maintenant venait celui des pourparlers.

Ainsi, la campagne de Pologne se terminait et il était dit dans les rangs que nous allions enfin rentrer chez nous. Nous n'osions pas trop y croire encore.

Le 7 juillet, un traité est signé à Tilsitt, entre notre empereur et le tsar. La Russie devint notre alliée. Les deux empereurs ayant la même haine de l'Anglais. De plus, ils se payèrent sur le dos de la Prusse. Celle-ci perdit une grande partie de ses territoires à l'ouest de l'Elbe ainsi qu'en Pologne. Elle dut payer d'énormes indemnités de guerre. La Russie accepta d'adhérer au blocus continental contre l'Angleterre. Notre empereur et, par lui, notre nation étaient au sommet de sa puissance.

L'année 1807 entrait en été, ma fille allait sur ses deux ans et j'allais enfin la connaître. Notre retour venait d'être confirmé.

dimanche 28 juin 2009

Récit d'un hussard (12)

Le modem nouveau est arrivé (après huit semaines), merci Johann.
Mon récit peut reprendre.


IENA


1806. L'année s'étirait paresseusement. Nous étions cantonnés sur les terres de Bavière ou de Moravie, en attente de rentrer chez nous. Cela faisait bientôt dix mois que nous avions vaincu à Austerlitz et l'empereur gardait ses troupes auprès de lui, tant qu' une paix sûre et durable n'était pas signée avec l'ex-coalition.

Nous avions passé l'hiver, le printemps puis l'été à surveiller les pays conquis sans que nous ayons à subir le moindre combat. Les troupes profitaient de ces instants de répit.

Mais à l'automne, les événements s'accélérèrent. La Prusse qui était restée en dehors de la troisième coalition, ayant reçu en contrepartie le territoire d'Hanovre, commençait à s'agiter.

L'empereur, qui réorganisait l'ancien Saint-Empire en confédération du Rhin, promettait aux états le composant, son protectorat. De plus, pour s'assurer la paix avec le Royaume-Uni, il envisageait de rétrocéder Hanovre aux Anglais. Tout ceci inquiétait l'empereur de Prusse qui voyait son influence diminuait sur les territoires voisins.

Les espions de l'empereur le prévinrent que depuis le mois d'août, l'impératrice de Prusse; Louise de Mecklenbourg-Strelitz attisait la haine des officiers prussiens contre notre nation. Ceux-ci s'amusaient à aiguiser leurs sabres sur les marches de l'ambassade de France à Berlin, ce qui fit dire à l'empereur Frédéric-Guillaume III :" pas besoin de sabres, les gourdins suffiront contre ces chiens de Français!"

Cette invective, lorsqu'elle fut connue de notre campement, excita chacun d'entre nous. Que la Prusse nous déclare la guerre et nous repousserons son armée jusqu'à Berlin.

Le 8 octobre, on nous lut un bulletin nous disant ce que nous pressentions déjà : " Soldats! L'ordre de votre rentrée en France était déjà donné, des fêtes triomphales vous attendaient. Mais des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin. Nous sommes provoqués par une audace qui demande vengeance."

Nous étions prêts. Plus vite nous vaincrions cette armée, plus vite nous serions chez nous.

Un an que nous étions partis. Un an loin de nos familles, la séparation devenait pesante. Un an que ma fille était née et je ne la connaissais pas encore. Angélique m'envoyait des lettres où elle me la décrivait, me rassurait sur sa santé et m'écrivait son impatience de me revoir revenir auprès d'elle. Devant ma mélancolie, Honoré se félicitait d'être célibataire et m'assurait, une fois encore, de sa protection, désireux de me voir revenir en France bien vivant.

Le 9 octobre, nous reçûmes l'ordre de faire marche vers la Prusse, destination Berlin.

L'empereur décida d'envoyer une partie de sa cavalerie en reconnaissance à la recherche des armées ennemies; nous en fûmes. De son côté, l'armée du maréchal Lannes rencontra des troupes prussiennes à Saalfeld. Elle les repoussa après un combat âpre et indécis. Il fallut la mort du prince Louis Ferdinand de Prusse, neveu de l'empereur pour que les troupes ennemies rompirent le combat. Ce fut le jour de gloire d'un jeune hussard du 10éme; Jean-Baptiste Guindey. Ce jeune maréchal des logis de vingt ans venait de rejoindre depuis un an les corps d'armée du maréchal Lannes. Lors de cet affrontement où le prince prussien avait choisi un bien mauvais champ de bataille; coincées entre une colline et deux rivières en contrebas, ses troupes subirent la détermination de celles de l'armée française. Après quelques heures d'affrontements et malgré le courage des soldats ennemis, ils furent débordés. C'est lors de ce repli, quand le prince voulut sauter une haie et que son cheval s'y empêtra qu'il fut rejoint par le jeune hussard. Celui-ci ne le reconnut pas et croyant avoir à faire à un officier ennemi, le somma de se rendre. Le prince Louis-Ferdinand préféra faire face et se défendre. Il blessa Jean-Baptiste Guindey à l'oreille, mais celui-ci répliqua et porta plusieurs coups au prince prussien au bras et à la tête, un dernier coup de sabre à la poitrine vit Louis-Ferdinand tomber de son cheval; mort.

Le maréchal Lannes fit rendre les hommages au prince mort au combat et envoya une estafette prévenir l'empereur.

Tous ces faits nous furent rapportés par le chirurgien major Virvaux qui assista à la bataille et qui, le lendemain, examina le corps du prince en la chapelle de Saalfeld.

La nouvelle de la mort du neveu de l'empereur Frédéric-Guillaume fut accueillie dans nos rangs par une immense clameur; l'affrontement contre la Prusse commençait de la meilleure façon qui soit.

C'est donc le lendemain de cette première victoire qu'il nous fut ordonné d'aller à la rencontre des troupes prussiennes vers la ville de Liepzig. Nous n'y vîmes personne. Les plaines entourant la ville étaient désertes. Pas un soldat, pas un paysan comme si la région avait été désertée. Il était clair que les troupes prussiennes avaient choisi un autre lieu d'affrontement.

D'autres éclaireurs prévinrent l'empereur qu'en fait l'arrière-garde prussienne se trouvait du côté d'Iéna et que le gros de l'armée était plus au nord. Il nous fut demandé de laisser là nos reconnaissances et de venir rejoindre les troupes impériales à Iéna. Napoléon avait décidé de s'y rendre et ordonna au maréchal Davout de se diriger vers le nord pour couper la route aux forces prussiennes. Il devrait les affronter que si leur nombre était réduit, dans le cas contraire il devrait attendre le renfort du maréchal Bernadotte.

Une fois encore, notre empereur mettait sa stratégie en place. Nous étions tous persuadés que celle-ci comme les précédentes allait avoir raison des armées ennemies.

Le 13 octobre, alors que nous chevauchions vers la ville prussienne, l'armée de notre empereur arrivait près de la ville d'Iéna et là, nos éclaireurs repérâmes des troupes ennemies positionnées sur le plateau du Landgrafenberg, au-dessus de la ville.

Nos troupes s'installèrent à l'écart du plateau et attendirent la nuit. Notre empereur ordonna que ne fussent allumés que très peu de feux de bivouac. Il put ainsi observer le positionnement des soldats d'en face qui, eux, avaient un très grand nombre de feux allumés, ce qui lui fit croire que toutes les forces prussiennes étaient rassemblées sur ce plateau.

Lorsque nous rejoignîmes l'armée française dans la matinée, le brouillard venait à peine de se lever et la bataille bien engagée.

Mis en réserve à l'arrière du champ de bataille, nous eûmes le temps d'être renseignés sur le déroulement des événements depuis le début des opérations.

Ainsi, nous apprîmes que dans la nuit, l'empereur décida de prendre d'assaut le plateau. Il ordonna au maréchal Lannes de faire monter ses divisions jusqu'au sommet et à l'artillerie de le suivre. Il semblerait que ce ne fut pas facile tant les chemins empruntés étaient escarpés. L'empereur, lui-même, une lanterne à la main guida les artilleurs dans leur tâche.

Une fois au sommet, Napoléon dit aux troupes de ne pas craindre la cavalerie prussienne et que leurs carrés d'infanterie étaient largement efficace pour lui tenir tête.

Malgré le brouillard ou grâce à lui, le maréchal Lannes entraîna ses troupes sur les positions de l'avant-garde prussienne.

Ses divisions s'étaient séparées, chacune visant un objectif différent. Ainsi, le général de brigade Claparède surgit devant le village de Closewitz où se trouvaient les bataillons saxons de Frédéric Rechten et le bataillon prussien de Zweifel. Ces derniers, surpris, firent feu sur nos troupes qui répliquèrent. Pendant plusieurs minutes les deux camps se fusillèrent sans que la situation n'évoluât.

Alors, le général Claparède ordonna à ses troupes légères d'aller au pas de charge s'emparer du bois qui encerclait le village et de surprendre l'ennemi. Ce qui fut fait. Les soldats finissant leur travail à la baïonnette.

Les divisions du général purent ainsi continuer leur progression vers les lignes ennemies et ceci, malgré les tirs d'infanterie qu'elles recevaient.

De son côté, le général Gazan n'arrivait pas à s'emparer du village de Cospeda solidement défendu. Après avoir repoussé une sortie des troupes ennemies, le général décida de contourner le village et d'attaquer par le flanc. Bien lui en prit, car après de rudes combats, les troupes françaises s'emparèrent du village et sur leur lancée, elles s'emparèrent du hameau de Lutzenrode.

Les divisions du maréchal Lannes progressaient toujours, même si le général prussien Tauenzien, général en chef de l'armée ennemie, avait repositionné ses troupes qui offraient ainsi une résistance à nos soldats.

Mais, une fois encore, nos vaillants fantassins, baïonnette au canon, montèrent à la charge des lignes ennemies et finir par les rompre ce qui eut pour effet d'entraîner dans leur fuite la majorité des troupes qui formaient l'avant-garde prussienne. Nos soldats ainsi s'emparèrent d'un grand nombre de canons et firent beaucoup de prisonniers.

Par cette action les troupes du maréchal Lannes ouvrirent le passage vers le plateau et la ville d'Iéna. Notre empereur était satisfait; il allait pouvoir installer son artillerie sur les hauteurs.

Les positions étaient établies. Le maréchal Lannes était au centre, à gauche du plateau se trouvait l'armée du maréchal Augereau, à droite, le maréchal Soult. Plus en arrière se trouvaient les troupes du maréchal Ney qui devait patienter et ne pas s'engager. C'est à ce moment-là que nous rejoignîmes la Grande Armée et vînmes nous positionner en réserve des troupes engagées. Il était neuf heures du matin, le soleil n'arrivait pas encore à traverser le brouillard.

Pendant une heure, ce ne fut que mouvement de troupes. Les Autrichiens se rendant compte de leur erreur, comprenant enfin qu'ils avaient face à eux la totalité ou presque de l'armée française. Le général Tauezien se voyait obligé de repositionner son armée.

De son côté, notre empereur attendait que toutes ses divisions soient en place pour lancer l'offensive. Du fait du brouillard, il était difficile d'observer tous ces mouvements. Il devait attendre les estafettes qui l'avertissaient des positions de ses différentes armées. L'information que lui apporta l'un de ces messagers le laissa sans voix; le maréchal Ney était passé à l'offensive. Il était dix heures du matin.

Notre général en chef entra dans une colère retentissante. Ainsi, le jeune maréchal ne put encore freiner sa fougue et engagea son armée dans un affrontement dont l'empereur jugeait l'issue incertaine.

Profitant du brouillard, il s'était glissé entre les armées des maréchaux Lannes et Augereau sans que ceux-ci

s'en rendent compte. Mais ce que ne savait pas l'impétueux maréchal, c'est qu'au même instant, le général prussien Hohenlohe lançait sa cavalerie contre les troupes des maréchaux Lannes et Augereau. Par son avancée, le maréchal Ney se trouvait à l'avant-garde; c'est donc ses soldats qui reçurent la charge de la cavalerie prussienne.

À cet instant, le brouillard se leva légèrement permettant à notre empereur d'observer le champ de bataille.

Ce que nous vîmes tous nous pétrifia. L'artillerie prussienne, bien en place, décimait les rangs de l'armée du maréchal Ney qui s'était de trop avancée.

S'abritant dans un bois, Ney rassembla sa cavalerie légère et la fit charger l'artillerie à cheval ennemie. La manoeuvre réussie et la cavalerie s'empara de nombreuses pièces. Mais la cavalerie ennemie, à son tour chargea et repoussa le 10éme régiment de chasseurs à cheval. Après diverses attaques et contre-attaques, notre cavalerie dut se retirer derrière l'infanterie qui accueillit les cavaliers prussiens à coup de mousqueterie, ceux-ci perdirent beaucoup d'hommes. Mais ils chargèrent encore et encore. La situation du maréchal devenait précaire.

L'empereur décida de reprendre l'offensive. Il commanda à ses armées d'avancer sur l'ennemie et nous ordonna, sous les ordres du général Bertrand, d'aller porter secours au maréchal Ney.

Nous voici plongés dans la bataille. Le brouillard était maintenant entièrement levé et nous permettait de voir l'ensemble du champ de bataille. Que de corps éparpillés deci - delà! des blessés, des morts, des pièces d'artillerie oubliées. L'odeur fétide, bien connue, des champs de bataille particulièrement meurtriers. Nous n'y faisions plus attention, notre seul but était de porter aide à nos camarades. Avec Honoré à mes côtés, nous chevauchions vers les armées du maréchal qui continuaient à subir les assauts des troupes prussiennes.

La rencontre fut brutale. La cavalerie du maréchal Ney était en bien mauvais état, beaucoup de morts, les survivants se battant avec courage contre des soldats supérieurs en nombre et en armement. L'infanterie française manquait de munitions ce qui obligea le maréchal à éparpiller ses bataillons et ainsi offrir une résistance moins compacte. En agissant de cette façon, le maréchal Ney se découvrit et sa sécurité devenait plus problématique.

Notre régiment en avant-garde faisait une brèche dans les rangs ennemis. Nous sabrions autant que possible. Notre arrivée ayant rééquilibré les forces, nous sentions les prussiens plus hésitants. Après avoir désarçonné quelques cavaliers ennemis, j'aperçus le colonel du régiment prussien qui se dirigeait droit vers le maréchal Ney, déjà en proie à l'attaque de deux cavaliers ennemis.

Je criai à Honoré:" avec moi !" Et nous fonçâmes vers le maréchal qui était prêt à être submergé.

En arrivant prés de lui, j'apostrophais le colonel qui fut tout surpris de me trouver face à lui. Alors qu'Honoré dégagé le maréchal de ses agresseurs, j'entamai mon combat contre l'officier de cavalerie ennemi. Son bras était lourd, ses coups faisaient mal, mais mon poignet ne cédait pas. Je luttai et voyais le visage de mon adversaire qui grimaçait sous l'effort. Il se battait depuis longtemps et je le laissai s'épuiser à frapper mon sabre. Il perdait peu à peu de lucidité et un coup plus appuyé le déséquilibra. J'en profitai pour l'attaquer et lui portai un premier coup sur l'épaule qui lui fit lâcher un cri de douleur. Je croisai son regard au moment où je plantai mon sabre à travers sa poitrine. Il resta quelques secondes figé, les yeux grands ouverts vers le néant et tomba sans vie. Le maréchal Ney s'approcha de moi et me glissa:" Merci, capitaine! Maintenant nous allons vaincre". Et l'impétueux officier bridait son cheval pour remonter à l'assaut. Je le suivais ainsi qu'Honoré qui ne me lâchait pas d'une selle. Les cavaliers prussiens virent leur commandant mourir et, désorganisés, préférèrent rompre le combat ce qui laissa leur infanterie à notre merci. Les soldats de l'armée du maréchal Lannes avaient rejoint ceux du maréchal Ney et tous ensemble, fondaient sur l'armée ennemie qui pliait peu à peu.

Nous dûmes encore affronter cette cavalerie courageuse et nombreuse qui revenait sans cesse au combat, pour protéger les fantassins du maréchal Lannes qui s'étaient retrouvés à portée de sabres ennemis. Nous progressions et comme les armées des maréchaux Soult et Augereau obtenaient de vifs succès, elles aussi, nous sentions que la victoire nous tendait les bras.

Les infanteries des divers corps d'armée prenaient village après village, bois après bois à l'ennemi, celui-ci se voyait repousser toujours plus loin. Le maréchal Soult put disposer son artillerie sur les hauteurs d'Iéna et ainsi fit d'énormes dégâts dans les rangs ennemis.

L'empereur Napoléon demanda à tous les corps d'armée de fondre sur l'ennemi et de le battre autant que possible. Ainsi, après l'artillerie, l'infanterie finit le travail à la baïonnette et fit un grand nombre de morts, de blessés et de prisonniers chez les Prussiens. Notre rôle fut de poursuivre les fuyards et de nous emparer du plus grand nombre d'étendards; ce qui fut fait. La victoire était totale et l'armée prussienne anéantie. Les renforts ennemis du général Rüchel arrivèrent trop tard et ne servirent qu'à protéger la fuite des armées du général Hohenlohe dans le plus grand désordre. Le général qui faillit être emporté par la vague de fuyards, s'accrocha à sa place et décida de poursuivre son avancée, parvenant en haut du plateau. Il y fut accueilli par les armées françaises réunies et fut tué d'une balle en pleine poitrine. Son aide de camp prit le commandement, mais submergés par nos forces réunies, les soldats prussiens débandèrent aussi vite qu'ils purent. Sous le commandement du prince Murat, nous contournâmes ces pauvres fantassins perdus et les encerclâmes, sabrant ceux qui voulaient se battre et faisant prisonniers ceux qui voulaient se rendre.

D'autre part, les grenadiers à cheval de notre corps d'armée achevèrent les dernières divisions qui résistaient encore sur le champ de bataille.

Notre empereur qui voulait en finir avec cette armée commanda au prince Murat de poursuivre l'ennemi qui s'était réfugié vers le village de Weimar et de faire en sorte qu'il soit mis hors de combat.

Tous escadrons réunis, nous fonçâmes sur les prussiens et les encerclâmes faisant encore de nombreux morts et des milliers de prisonniers. Cette fois-ci, la bataille était terminée et l'armée prussienne anéantie. " Ces chiens de Français " avaient répondu à l'arrogance de l'empereur Frédéric de la manière la plus claire.



Quelques jours plus tard, l'empereur me fit appeler auprès de lui et devant son état-major me félicita pour ma bravoure qui permit au maréchal Ney de mener à bien son entreprise:

" Capitaine, il semblerait que vous soyez destiné à protéger vos supérieurs. Je n'ai pas oublié votre initiative à Arcole. Je vous nomme colonel dans le premier régiment de chasseurs ou de hussards venant à être vacant".

Emporté par ma fougue, au lieu de remercier l'empereur pour cette promotion, je me suis entendu répondre:' Votre Altesse, je vous sais gré de cette nomination, mais je préfère encore garder mon grade et rester auprès de mes hommes. Ils me sont fidèles et je ne pourrais pas les abandonner pour un autre commandement."

À ma grande surprise, alors que je venais de me rendre compte de mon audace, l'empereur sourit:" décidément, capitaine Bigogne, vous n'êtes pas fait comme les autres. Votre fidélité vous rend unique. J'accède à votre demande. Vous serez colonel au 1er hussard quand le poste sera vacant".

Honoré Greff, lui-même, félicité et décoré, m'entraîna avec lui vers notre bivouac où m'attendaient mes hommes, déjà prévenu de ma réaction. Ils m'entourèrent et me félicitèrent me promettant fidélité et bravoure jusqu'au bout de cette campagne.

vendredi 5 juin 2009

Récit d'un hussard (10 et 11)

Toujours pas de nouvelles de notre modem. Cela fait trois semaines que nous attendons. Y-a-t-il parmi vous quelqu'un qui travaille chez Alice qui serait capable de m'expliquer comment fonctionne l'entreprise. çà m'aiderait. et surtout comment savoir où se trouve notre modem puisqu'il parait qu'il est en route. il doit arriver à dos d'âne du fin fond de la Chine.


LA GRANDE ARMEE


La première fois que ce terme fut employé, ce fut l'empereur lui-même qui le fit à Boulogne sur mer, alors qu'il était encore question d'envahir l'Angleterre, en 1804. Il voulait rendre hommage à chacun de ses soldats qui enduraient la douleur, la souffrance, mais qui combattaient avec force et portait haut les couleurs de la nation.

Profitant des informations contradictoires que l'empereur fit transmettre à l'ennemi, nous passâmes le Rhin, alors que le général Ney affrontait l'ennemi et que les généraux Bernadotte et Soult contournaient les Autrichiens pour les empêcher de battre en retraite. Le général Mack, commandant en chef des troupes de la coalition, dut se replier vers Ulm après avoir subi de lourdes pertes à la bataille d'Elchingen. Il espérait y attendre le renfort des armées du général russe Koutousov. Mais, ce dernier, mal renseigné, croyait notre armée encore à Boulogne et, de ce fait, ne se pressait pas pour arriver. Mal lui en prit. En effet le siège de la ville ne dura pas longtemps. Dès que l'état-major aperçut les forces que nous déployâmes autour de lui, il préféra capituler et ceux qui essayèrent de s'enfuir furent poursuivis par les régiments du général Murat et stoppés dans leur fuite.

Le soir même, le camp fêtait cette nouvelle victoire. Nous étions devenus des soldats de l'Empire et non plus de la République, mais la ferveur était la même. Tous nous reconnaissions en Napoléon 1er un très grand chef militaire et nous étions prêts à le suivre aussi longtemps et aussi loin qu'il nous le demanderait.

Peu à peu s'élevait des bivouacs une chanson que quelques soldats avaient imaginée après la victoire:

" Micmac, nous avons pris le général Mack comme une prise de tabac ". Chacun s'amusait de l'ironie. Nous étions soulagés, la bataille passée, d'être toujours vivants et de ne pas avoir dû ferrailler de trop face aux armées autrichiennes. Nous savions que l'empereur allait continuer sa marche en avant et serrant dans ma main le médaillon de mon aimée, je priai que les jours futurs soient comme celui-ci.

Notre avancée nous porta jusqu'à Munich puis sur la route de Vienne où sous les ordres du maréchal Murat, nous fûmes chargés d'inspecter les abords de la ville autrichienne et d'informer l'état-major de son système de défense.

Très vite, nous nous rendîmes compte que Vienne n'était défendue que par les troupes austro-russes du général Koutouzov, soit quelques milliers d'hommes peu aguerris.

Du reste, peu sûrs de leurs forces, les coalisés envoyèrent le général Giulay vers l'empereur pour négocier un armistice. Napoléon fit répondre qu'il ne concevait une suspension des armes que si elle était suivie d'une négociation de paix.

En ramenant le général autrichien vers la ville, le maréchal Murat s'approcha de moi et me parla:" Capitaine, j'ai une mission à vous confier, quelque peu particulière. Accueillez avec vos hommes en votre bivouac ceux qui accompagnent le général. Essayez de les faire parler. Toute information que nous pourrions obtenir sur l'état de moral des villageois pourrait nous être fort utile". Mission bien particulière en effet.

Le soir même, la consigne étant passée, nous nous occupâmes de l'escorte. Avec Honoré Greff, nous nous chargeâmes du domestique du comte de Giulay. Il mangea et but au-delà de toute raison. La ville manquait de vivres depuis plusieurs jours et leurs repas étaient de plus en plus frugaux. Complètement euphorique, le domestique parla avec emphase :" comme il n'y avait pas assez de combattants, on voulut créer un corps municipal de cavalerie. L'appel concernait les hommes de la noblesse, les bourgeois et leurs fils, les fonctionnaires, les commerçants, les manufacturiers et même les rentiers. Et bien vous savez ? La plupart préférèrent quitter la ville plutôt que se préparer au combat."

Il but un nouveau godet et reprit: " Les objets précieux de la ville ont été évacués ainsi que les archives. Direction la Hongrie. Et vous ne savez pas le plus beau."

Nous fîmes les étonnés en remplissant une nouvelle fois son verre:" L'empereur, lui-même, voulut quitter Vienne. Il fallut que la garde bourgeoise le retienne et le séquestre en son palais. Ne croyez-vous pas cela misérable ? Seules l'impératrice et sa famille furent autorisées à s'enfuir.

Puis soudain, le domestique s'arrêta et tomba d'un coup dans un profond sommeil. Son réveil serait douloureux.

Les jours suivants, nous continuâmes notre progression vers la capitale autrichienne et, bientôt, nous campâmes tout près de la ville, du côté d'Hütteldorf.

Les avant-postes de la coalition reçurent l'ordre de ne pas se battre et l'armée austro-russe quitta la ville. Les Autrichiens vers les Alpes et les Russes reculèrent sur la rive gauche du Danube.

Nous étions prêts à rentrer dans la ville, d'autant qu'une délégation de villageois nous invitait à le faire en nous portant des chariots de nourritures malgré les privations, quand le maréchal Murat reçut une missive de l'empereur qui s'alarmait de le voir aller si vite. Il l'accusait même de ne voir que la gloire de rentrer dans la ville. Il ajouta qu'il n'y a de gloire que là où il y a du danger.

Le maréchal fut choqué par cette lettre venant de l'empereur, son cousin. Il se défendit en écrivant à son tour au général en chef, précisant qu'il marchait sur Vienne pour devancer les Russes qui, le savait-il, faisaient route vers la capitale autrichienne. Il voulait empêcher la jonction de la coalition et désirait forcer l'empereur d'Allemagne à signer toutes les conditions que Sa Majesté lui plairait de dicter. Il s'agissait seulement de cela et non pas de gloire.

Quelques jours plus tard, nous entrâmes dans la ville, accueillis par une population curieuse et inquiète. Nous nous dépêchâmes de traverser la cité pour atteindre le pont du Tabor qui menait vers l'autre rive du Danube. Nous le fîmes d'autant plus facilement que les Autrichiens qui avaient refusé de défendre leur ville, nous guidèrent dans les rues pour rejoindre le passage vers l'autre rive par le chemin le plus court. Plus particulièrement l'un d'entre eux, le général à la retraite Funk qui, sur son cheval, nous accompagna jusqu'au pont.

Bientôt, toute l'armée traversa la ville et les maréchaux Lannes et Murat usèrent d'un stratagème pour prendre possession du pont. Ils firent croire aux troupes russes qu'un armistice était signé entre l'empereur d'Allemagne et Napoléon et qu'entre autres choses les ponts devaient être remis aux Français et non pas brûlés comme il avait été auparavant décidé. Les Russes hésitèrent puis finir par se retirer au-delà du pont laissant les voies d'accès à la ville en notre possession.

Nous contrôlions la cité et nous attendions l'empereur à la tête de ses troupes pour le lendemain.

Il arriva peu souriant. Il venait d'apprendre la déroute de la marine française à la bataille de Trafalgar, au lendemain de la bataille d'Ulm, de plus, il n'était pas satisfait du comportement de Bernadotte qui lui fit perdre, dit-il, une journée. La réunion d'état-major qui eut lieu au palais de Schönbrunn fut, nous en eûmes quelques échos, particulièrement sérieuse. Malgré tout, l'empereur félicita ses maréchaux et son différent avec Murat fut oublié.

Laissant la garde de la ville aux troupes hollandaises, "la grande armée" partit vers la Moravie à la poursuite du général Koutouzov. Nous devions empêcher la jonction entre les troupes du général russe et les renforts qui venaient de Pologne. Nous apprîmes aussi que les Autrichiens commandés par Buxhoeweden faisaient route vers nous. La prochaine bataille où elle ait lieu s'annonçait déterminante.

Les armées des maréchaux Murat et Soult ainsi que la garde impériale avaient pour mission de couper la route au général Koutouzov et éviter ainsi la jonction avec l'armée de Pologne.

Nous rejoignîmes le général russe à Hollabrun où l'état-major ennemi plutôt que de se battre proposa une suspension d'armes au maréchal Murat et à notre grande surprise celui-ci accepta. Tel n'était pas les ordres et cette initiative aurait pu avoir des conséquences dramatiques.

En effet, profitant de ce répit, le général Koutouzov rejoignit les troupes de Pologne. La réaction de l'empereur ne se fit pas attendre. Il envoya une lettre au maréchal Murat, lettre que je pus lire quand il fallut réagir aux ordres de Napoléon Bonaparte. Il écrivait:

" Il m'est impossible de trouver les mots pour vous exprimer mon mécontentement. Vous ne commandez que mon avant-garde et vous n'avez pas le droit de faire armistice sans mon ordre. Vous me faites perdre le fruit d'une campagne. Rompez l'armistice sur-le-champ et marchez sur l'ennemi. L'aide de camp de l'empereur de Russie est un polisson; les officiers ne sont rien quand ils n'ont pas de pouvoirs; celui-ci n'en avait point. Les Autrichiens se sont laissés joués pour le passage du pont de Vienne, vous vous laissez jouer par un aide de camp de l'empereur, je ne conçois pas comment vous vous êtes laissé jouer à ce point."

En nous lisant cette lettre, officiers de son armée, le maréchal Murat semblait abattu et malgré tout très en colère. Il ne dit qu'une phrase:" allons, il faut continuer!"

Nous ne pûmes attaquer que l'arrière-garde, le gros de la troupe avait rejoint les renforts et filait loin devant nous.

Le 19 novembre, nous entrâmes dans Brno où nous trouvâmes un butin considérable. Mais, dorénavant, il n'était plus possible d'espérer attaquer séparément les deux armées.

Le maréchal Soult avançait vers Austerlitz, nous le suivions à une journée et l'armée de l'empereur accélérait encore sa marche pour rejoindre ce point stratégique le plus rapidement possible.

Plus tard, le lieutenant Putigny, ami d'Honoré, nous raconta cette marche:" nous reprenions nos forces à Laxenburg, mais nous dûmes dès l'aube du 30 novembre repartir. Cette marche fut l'une des plus dures que l'empereur exigea de nous. On disait, souvent, que Napoléon 1er gagnait ses batailles plus avec nos jambes qu'avec nos fusils, mais là... Imagine, nous avons parcouru 36 lieues en 36 heures. Nous marchions sans halte. Je portais le drapeau. Sa hampe penchait toujours plus en arrière, me causant une douleur à l'épaule, tandis que la colonne s'allongeait. J'allais comme un automate, sans penser. Je fixais machinalement devant moi les traces du cheval de mon capitaine. Sa croupe montait et descendait. Je me laissais porter par ce rythme."

La marche fut éprouvante et pourtant ils étaient prêts à livrer bataille là où notre empereur décida qu'elle se déroulerait : à Austerlitz.


AUSTERLITZ

Une immense plaine dominée d'un côté par un haut plateau; le plateau de Pratzen et prolongée de l'autre côté par des marais. En ce début décembre 1805, le froid était intense. Le sol était glacé et les étangs gelés, on pouvait les traverser à pied de part en part tant la glace était épaisse.

Au matin du 1er décembre, l'empereur décida de mettre en place sa stratégie pour la bataille. Pour cela, il monta sur le plateau de Pratzen et invita tous les officiers de son armée à le suivre. Une fois que nous étions là-haut, l'empereur regarda la plaine qui s'étalait devant nous et sourit. Enfin, il nous parla:" si je voulais empêcher l'ennemi de passer, c'est sur ces hauteurs que je me placerais. Mais alors, je n'aurais qu'une bataille ordinaire. Si, au contraire, je me place en retrait de ce plateau, l'ennemi viendra s'y installer. Et si j'affaiblis ma droite, il tentera d'enfoncer mes lignes de ce côté, espérant couper mon armée en deux. Alors, à ce moment-là, nous attaquerons le plateau, surprenant l'ennemi. Celui-ci, de fait, verra ses troupes encerclées, il ne restera plus qu'à resserrer le filet pour obtenir une magistrale victoire."

L'empereur se tut, le regard toujours fixé sur cette plaine comme s'il visualisait cette bataille. Enfin, il nous fit face et il ajouta:" redescendons, messieurs, allons parler à nos troupes."

Cela dit, il s'engagea sur le chemin menant à la plaine, son sourire toujours affiché sur son visage.

Une fois en bas, il fit réunir son armée autour de lui et parla de sa voix claire et forte:" Soldats, demain l'armée russe se présentera devant vous pour venger l'armée autrichienne vaincue à Ulm. Ce sont ces mêmes bataillons que vous avez battus à Olla Brunn et que depuis, vous avez constamment, poursuivis jusqu'ici. Les positions que nous occupons sont formidables et pendant qu'ils marcheront pour couper ma droite, ils me présenteront le flanc.

Soldats, je dirigerai moi-même, tous nos bataillons. Je me tiendrai loin du feu si, avec votre bravoure, vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis, mais si la victoire était un moment incertaine, vous verriez votre empereur s'exposer aux premiers coups, car la victoire ne saurait hésiter en cette journée surtout où il y va de l'honneur de l'infanterie française qui importe tant à l'honneur de la nation".

Que, sous prétexte d'emmener les blessés, on ne dégarnisse pas les rangs et que chacun soit bien pénétré dans cette pensée, qu'il faut vaincre ces stipendiés de l'Angleterre qui sont animés d'une si grande haine contre notre nation.

Cette victoire finira notre campagne et nous pourrons reprendre nos quartiers d'hiver, où nous serons joints par les nouvelles armées qui se forment en France; et alors la paix que je ferai sera digne de mon peuple, de vous et de moi.

Soldats réchauffez-vous en vos bivouacs, assurez-vous de vos armes, demain sera une journée à la gloire de la Nation et de son armée."

L'ovation qui suivit le discours de notre chef dura plusieurs minutes et malgré le froid si vif, les mots de l'empereur, une fois encore, nous avez réchauffés le coeur.
La nuit s'achevait. Le sommeil fut difficile à trouver tant le froid nous envahissait et nous cinglait à travers nos vêtements et nos couvertures. Pourtant un peu avant le lever du jour chacun se préparait pour cette journée qui s'annonçait si primordiale pour la nation. Je vérifiais une nouvelle fois que le portrait de mon aimée était bien suspendu à ma poitrine, puis en compagnie d'Honoré Greff, j'allai m'occuper de ma monture.

2 décembre, 7 heures du matin, l'armée prit ses positions en arrière du plateau de Pratzen comme l'avait décidé l'empereur. La plaine était dans un brouillard intense. Il nous serait difficile d'apercevoir l'ennemi avant qu'il ne soit sur nous, mais çà sera de même pour lui. À nous de profiter de cette circonstance. Là-bas, sur la butte de Schlapanitz, j'apercevais l'empereur sur son cheval entouré des maréchaux; il attendait. Nous attendions tous. Les Russes allaient-ils tomber dans le piège? L'issue de la bataille en dépendait.

Notre régiment au coeur de l'armée du prince Murat était positionné sur le flanc gauche du dispositif. Le flanc droit commandé par le maréchal Davout devrait subir les premières charges ennemies.

En effet les premières percées du soleil nous dévoilèrent le plateau où s'étaient installées les troupes russes. Celles-ci faisant marche à présent vers les troupes de Davout, dégarnissant le plateau. Notre empereur avait vu juste, l'ennemi s'était laissé berner.

À partir de là tout alla très vite. Il nous fut demandé d'attaquer les régiments du général Bragation et de les repousser le plus loin possible. Pendant ce temps, au centre, l'armée du maréchal prendrait position sur le plateau de Pratzen abandonné par les Russes et porterait secours aux troupes de Davout en encerclant les forces russes.

Nous montâmes à l'assaut des troupes austro-russes qui furent surprises de nous voir surgir du brouillard tout près d'elles. Notre charge fut soudaine. Les fantassins ennemis n'eurent pas le temps de se dégager que déjà nous sabrions à tour de bras permettant à notre infanterie d'avancer au pas rapide sur des soldats apeurés et désorganisés qui n'eurent que la ressource de s'enfuir pour éviter d'être tués sans combattre.

Alors que tout semblait perdu, la cavalerie russe surgit devant nous et stoppa notre élan. Nous dûmes ferrailler ferme pour maintenir notre position tant la charge ennemie fut forte. Combien de temps dura cet affrontement? Je n'en savais rien. Déjà beaucoup d'hommes étaient morts au corps à corps. Parmi eux un grand nombre de noms de la noblesse russes entraînés par le prince Repnin. Au milieu du combat, alors que nous commencions à prendre le dessus, les cavaliers ennemis rompirent le combat nous laissant la plaine comme trophée. Cette manoeuvre malgré tout permit à l'infanterie du général Bragation de se retirer en ordre vers le village d'Austerlitz.

Vers midi, la victoire était assurée. Les troupes russes encerclées par nos deux armées ne pouvaient que mourir en combattant, se rendre ou essayer de s'enfuir par les marais gelés, mais la glace rompant, bon nombre de soldats moururent noyés ou saisis par le froid.

Il nous fut demandé de poursuivre l'ennemi et ainsi, jusqu'à la tombée du jour, vers 17 heures, nous débusquâmes les soldats autrichiens ce qui nous permit de faire un grand nombre de prisonniers.

La victoire, en fin de journée, était éclatante et la coalition était décimée. L'empereur avait gagné son pari. Notre nation étendait sa puissance sur une grande partie de l'Europe.

" Vive la Nation ! Vive l'Empereur!" exultèrent les soldats quand Napoléon Bonaparte vint près d'eux pour les féliciter.

" Soldats! Commença-t-il, je suis fier de vous. Vous avez à la journée d'Austerlitz justifié tout ce que j'attendais de votre intrépidité; vous avez décoré vos aigles d'une immortelle gloire. Une armée de 100 000 hommes, commandée par les empereurs d'Autriche et de Russie, a été en moins de quatre heures ou coupée ou dispersée. Ce qui a échappé à vos fers s'est noyé dans les lacs. Quarante drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, cent vingt pièces de canon, vingt généraux, plus de trente mille prisonniers, sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Vous n'avez plus de rivaux à redouter. Ainsi en deux mois, cette troisième coalition a été vaincue et dissoute. La paix ne peut plus être éloignée.

Soldats, quand le peuple français plaça sur ma tête cette couronne impériale, je me confiai à vous pour la maintenir toujours dans ce haut éclat de gloire qui seul pouvait lui donner du prix à mes yeux. Mais dans le même moment, nos ennemis pensaient la détruire et l'avilir. En ce jour d'anniversaire du couronnement de votre empereur, vous les avez anéantis et confondus.

Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli; je vous ramènerai en France; là vous serez l'objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous recevra avec joie et il suffira de dire, "j'étais à la bataille d'Austerlitz pour que l'on réponde, " voila un brave".

La gloire était sur nous. Si peu de pertes et tant de fatigue et de meurtrissures. Mais la nation était sauvée et notre coeur remplit d'une félicité à hauteur des plus grandes émotions de la vie d'un homme. Cette nuit-là nous parut presque douce et paisible.