mardi 5 mai 2009

Récit d'un hussard (5)

FIN DE CAMPAGNE

Nous étions maintenant en janvier 1797. Deux mois s'étaient écoulés depuis la victoire d'Arcole. L'état-major autrichien ne s'avouait pas vaincu et s'apprêtait à lancer une nouvelle armée à l'assaut de nos troupes. Tant que la coalition impériale gardait une place en Italie, elle ne renonçait pas au combat. Et cette place s'appelait Mantoue où s'étaient réfugiés le général Wurmser et les rescapés de son armée.

Depuis Arcole, nous avions pourchassé l'ennemi jusque dans les gorges du Tyrol. Puis, le général Bonaparte nous fit prendre position à tous les points stratégiques, ce qui éparpilla énormément notre armée. Le commandement général multipliait les estafettes pour renseigner chaque corps d'armée, jour après jour, de l'évolution de la situation. Bonaparte avait même imaginé prévenir chacun en tirant le canon. Plus le canon tirait de coups, plus la pression ennemie se faisait forte.

Le baron Alvintzy restait le commandant en chef des armées de l'empire et de surcroît, gardait la confiance de Vienne. L'enrôlement dans les villes et les campagnes de l'empire permit de lever une armée de 45 000 hommes. Nous étions presque deux fois moins nombreux, mais malgré l'épuisement dû au combat, toujours désireux de défaire définitivement l'armée ennemie.

Nous étions, au sein de l'armée du général Augereau, cantonnés aux abords de l'Adige.

Nous n'avions plus de communications avec le gros de l'armée d'Italie. Nous avions su que le général Joubert avait dû subir une attaque violente sur ses lignes et qu'il risquait l'encerclement au nord du plateau de Rivoli. Depuis, les estafettes n'arrivaient plus et bien que peu éloignés du lieu supposé de la bataille, nous ne pouvions pas y participer. Positionnés derrière l'Adige aux alentours de Legnagno, nous étions sous la menace de l'armée de Provera.

Le 14 janvier, celui-ci fit donner le canon. Notre campement fut bombardé sans répit pendant plusieurs minutes. Notre artillerie se mit en batterie et répliqua à l'attaque adverse. Pendant ce temps, nous rassemblions nos effets, sellions nos chevaux, prêts à en découdre avec l'ennemi. Nous ne pensions pas qu'il nous attaquerait ainsi, si brutalement, il devait répondre à un ordre de son commandement. Nous étions persuadés que le général Provera devait nous bloquer sur place et nous empêcher de participer à la bataille qui devait engager les gros des troupes vers Rivoli.

Le général Augereau voulut se débarrasser de l'emprise de l'ennemie et décida une contre-attaque vers l'artillerie autrichienne. Cette dernière s'était faite plus discrète et lorsque nous arrivâmes sur les lieux, l'armée de Provera avait disparu. Seuls, quelques pièces d'artillerie et quelques soldats étaient là. Ces derniers se rendant sans livrer bataille.

Notre général fulminait. Il avait été dupé. Nous n'étions pas attaqués, mais ce tir d'artillerie protégeait le départ de l'armée vers une autre destination.

Sans perdre un instant, il décida de se lancer à la poursuite de l'ennemi. Il prit avec lui deux compagnies de régiment, la 2éme et la 5éme et nous demanda de nous mettre en route, le long de la rivière, en direction du nord où il nous attendrait, une fois rejoint le général Provera.

Le général Augereau envoya des estafettes en direction de notre commandement pour s'informer de l'évolution de la bataille.

Sous le commandement de notre chef de brigade, nous avançâmes au rythme d'une armée en campagne, n'allant guère plus vite que ne le pouvaient les bêtes qui tiraient l'artillerie.

Quelques heures plus tard, une estafette vint nous raconter que le général Augereau avait fait la jonction avec la colonne ennemie, à Anghiari, mais que cette dernière, une fois encore, refusa le combat, laissant quelques hommes défendre le village dans le seul but de nous retarder. Le général nous demandait d'accélérer le pas pour l'y rejoindre au plus vite.

En arrivant à Anghiari, située plus haut au bord de l'Adige, nous retrouvâmes le général et ses hommes. Ils semblaient fatigués par leur chevauchée, plus que par le combat. Il n'y avait aucun blessé, seulement auprès d'eux des prisonniers qui paraissaient soulagés d'être encore vivants.

Quelque temps plus tard, alors que nous nous restaurions, nous reçûmes un message du commandement général. Il nous était demandé de rejoindre les forces de la République à Castelnovo.

Nous repartîmes aussitôt et parcourûmes les quelques kilomètres qui nous séparaient de la bourgade.

Arrivés sur place, nous rejoignîmes une partie de l'armée qui avait quitté Rivoli, victorieuse.

Le général Augereau alla immédiatement au rapport auprès de notre général en chef et lui confirma que le général Provera était parti en direction de Mantoue.

Le général Bonaparte nous dit alors:" le temps du repos n'est pas encore arrivé. Nous devons rejoindre Mantoue le plus vite possible et empêcher la jonction entre l'armée de Provera et celle de Wurmser. Après et seulement après, nous mériterons ce repos".

Les rangs se remirent en route au pas accéléré. Je me demandai jusqu'où ces soldats allaient suivre leur chef avant de s'effondrer. Voilà plusieurs jours et plusieurs nuits que ces hommes marchaient et se battaient. Trois victoires en trois jours et plus de cent soixante kilomètres sur des chemins escarpés, et les voila encore prêts à avaler des kilomètres pour livrer, espérons, une ultime bataille. Ils avaient bien mérité le respect de toute l'armée.

Arrivé aux abords de la forteresse de Mantoue, Bonaparte divisa son armée en deux. Une partie pour aider le général Sérurier à maintenir le blocus de la ville, l'autre pour affronter les troupes du général Provéra et empêcher ainsi la jonction.

Pendant que les soldats du 32 éme et du 75éme résistaient aux attaques de l'artillerie autrichienne, prisonnière de Mantoue, nous portions aide aux fantassins de la 57 éme qui sous les ordres du général Victor chargeaient à la baïonnette les rangs ennemis. Ces hommes firent d'énormes dégâts chez les Autrichiens et nos charges successives finirent par tailler en pièce les troupes de la coalition qui s'enfuirent ou se rendirent.

La ville de Mantoue et avec elle le maréchal Wurmser, voyant les renforts décimés, capitula, mettant fin à des mois de combat dans le nord de l'Italie. Le"petit caporal" avait eu raison, les hommes allaient pouvoir se reposer quelques jours.

Dans les jours qui suivirent, nous fûmes chargés de nettoyer les environs des dernières poches de résistance. Cela fut fait.

Mais le général n'allait pas bien. Après la victoire de Mantoue, il s'était alité, assommé de fièvre. Nous attendions que l'on nous annonçât son rétablissement, mais pendant plusieurs jours, les médecins s'inquiétaient surtout de sa survie. Ils craignaient que les fièvres qui ne retombaient pas ne l'emportent. Il fallut plus d'une semaine pour voir apparaître le "petit caporal" devant nous et quelques jours encore pour qu'il soit prêt à nous mener sur d'autres chemins victorieux.

Vers la fin du mois de février, l'armée reposée et restaurée reprenait sa marche. L'Autriche avait confié de nouvelles troupes à l'archiduc Charles. Nous marchions à sa rencontre. Nous devions traverser la Piave, alors que le général Bonaparte prenait la route de Rome avec la division Victor pour mettre au pas l' armée pontificale.

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